Archives de catégorie : Productions

Tout ce que je fais moi-même, « pour le fun ».

Je suis interviewé

Interview de moi par Lisa Viart le 8 décembre 2019

L – Je voulais te poser quelques questions au sujet de la composition, tout ça, ça m’intéresserait beaucoup d’en parler un peu avec toi, si tu veux bien, bien sûr.

V – Avec plaisir, je t’écoute !

L – Depuis quand composes-tu ?

V – Je compose officiellement depuis mes onze, douze ans, soit fin 2015, début 2016, mais c’était vraiment des trucs basiques, à l’origine. Quand je dis « trucs basiques », j’entends par là une suite d’arpèges qui montent et qui descendent de manière très géométrique, ou alors une harmonie très répétitive à la main gauche, avec un ou deux accords maximum.

L – Qu’est-ce qui t’inspire généralement ?

V – Bonne question, haha ! Le plus souvent, c’est en improvisant que je trouve des motifs chouettes. Parfois je tombe sur une fausse note, et je me dis « oh, elle n’est pas si fausse que ça, en fait ! » et j’en fais une musique… Il m’arrive aussi de m’inspirer de la musique d’un film que je viens de voir, ou de quelque chose de beau (ou pas !) que j’ai déjà entendu avant. Il y a quelques temps encore, j’étais fasciné par les accords diminués, maintenant ce sont les augmentés sur lesquels je travaille… Bref, plus j’apprends en musique, plus je trouve des sources d’inspiration ! Quand j’arrive à bout d’inspiration, je me dis que sans doute je n’ai pas fait assez de musique, alors je repars bosser des morceaux connus, je les arrange, réarrange, etc., jusqu’à trouver quelque chose qui vienne vraiment de moi – en tout cas, quelque chose d’assez différent de ce que font les autres.

L – Est-ce que tu écris ce que tu composes ?

V – Pas toujours, j’écris ce qui me plaît. Mais le plus énervant, c’est bien ce moment où tu sifflotes un truc super dans ton lit la nuit, et que tu te dis « je le noterai plus tard, je dors, là… » et que le lendemain, tu ne t’en souviennes plus. C’est rageant, ça ! (Rires.) Mais dans ce cas, rien ne sert de s’inquiéter, tout finit par nous revenir d’une manière ou d’une autre (et souvent aux moments où on s’y attend le moins…) !

L – Est-ce que ça t’arrive d’avoir des moments où tu n’as plus d’inspiration ?

V – Évidemment ! Pratiquement tout le temps, même, et comme tout compositeur qui se respecte. Même des dieux de la musique comme Chopin ont dû connaître au moins une période de latence dans leur travail. En fait, je pense qu’on n’est jamais vraiment en manque d’inspiration, mais plutôt que l’inspiration est toujours quelque part, mais qu’elle nous apporte des choses qui ne nous plaisent pas, et que l’on oublie vite pour cette raison. D’ailleurs, le cas complètement à part de Wolfgang Amadeus Mozart me laisse imaginer que ce compositeur a dû avoir assez de génie (et de pratique !) pour pouvoir développer des motifs qu’il n’aimait pas. Ainsi, il ne se limitait pas à un style particulier, et il n’était jamais en « manque » d’inspiration. Résultat : il a réussi à produire une œuvre à la fois colossale et extrêmement variée, que tout le monde apprécie au moins en partie. Il peut donc accéder à un succès et une reconnaissance résistant aux épreuves du temps !

L – Comment sais-tu quand un morceau est terminé, ou bien quand il est bien et que tu le gardes ? J’ai tendance à commencer plein de petits trucs, puis à me dire que c’est nul et à les oublier…

V – Mais moi aussi, je fais pareil ! Selon moi, pour pouvoir développer à fond un motif, il faut d’abord qu’il te plaise vraiment. C’est obligé. Sans que quelque chose ne me plaise suffisamment, je n’ai ni l’envie, ni les idées pour le développer.

L – Merci beaucoup !

Télécharger l’interview en PDF

Nouveau compte sur la communauté Musescore

Salut les copaines !

Vous aurez certainement remarqué ma longue absence sur le blog (depuis août dernier). En fait, si je n’ai pas remis les pieds doigts ici depuis tout ce temps, j’ai eu l’occasion de me familiariser avec le site de partage de partitions Musescore (musescore.com). Ayant pris conscience de l’envergure internationale de cette plateforme, et de la bienveillance des internautes vis-à-vis des compositeurs, je me suis dit que cette communauté pourrait m’aider à diffuser mes compositions à une plus grande échelle.

Évidemment, ce sont des partitions, mais pour ceux qui ne savent pas lire la musique (et les autres aussi, d’ailleurs), on a, sur ce site, la possibilité d’écouter les morceaux visionnés, grâce à un petit lecteur MP3 qui se trouve en haut de chaque partition.

Voici l’adresse valide pour accéder à mon profil : musescore.com/vilega
— (URL vérifiée le 22 novembre 2019)

Bonne écoute, donc ^^

Mon deuxième album (Avec le Cœur) est sorti !

www.jamendo.com/album/178398/avec-le-coeur

Hello à tous mes fidèles auditeurs 🙂

Mon second album, intitulé Avec le Cœur, à l’image de l’année 2017 qui fut pour moi riche en sentiments et en émotions (pas toutes positives, d’ailleurs), est sorti chez Jamendo il y a cinq minutes. Douze ans déjà se voulant être l’album de mes douze ans, Avec le Cœur sera celui de mes quatorze ans, et vous noterez bien qu’il existe de grandes différences entre ces deux albums. En effet, durant toute la durée de ce projet, j’ai été amoureux, sans réciprocité (Je ne t’ai pas oubliée). J’ai également tenté de me faire des amis, malgré mes relations affectives que je qualifierais de chaotiques. Au fur et à mesure de mes sorties occasionnelles, je cherchais par nécessité des jeunes filles d’à peu près mon âge, que je ne pouvais plus quitter des yeux. D’autre part, tout en achevant la découverte du monde qui m’entoure, j’ai commencé à m’intéresser à la politique et à défendre extérieurement la cause environnementale (Les Échologistes). D’un côté plus personnel, j’ai peu à peu affiné mon projet professionnel et exploité jusqu’à un quasi maximum mon potentiel artistique, en commençant par la poésie, puis par la composition instrumentale. J’ai testé de nouveaux moyens techniques et technologiques pour perfectionner mes enregistrements, tels que l’ajout d’autres instruments en plus de mon piano, ainsi que le montage audio, en testant différents logiciels au point de savoir les maîtriser totalement et de savoir choisir l’outil le plus adéquat pour chaque morceau. Les nouveautés : un titre en live (Rêve d’Amour) et mon interprétation personnelle d’un grand classique (Sonate n°14 Op. 27 n°2 « Quasi una fantasia », L. Van Beethoven). Je pourrais encore vous parler très longuement de la réalisation de cet album, mais je pense que cet endroit n’y est pas tout à fait approprié… Écoutez plutôt.

Vous pouvez d’ores et déjà écouter et télécharger l’album en cliquant sur ce lien : www.jamendo.com/album/178398/avec-le-coeur

+ 1 single (sorti le mois dernier) : Nouveau Paysage, Robert Schumann

Je vous souhaite une très bonne écoute de mon nouvel album, en espérant que ma musique vous plaît toujours.

Le théâtre n’est-il qu’un divertissement ?

Bonsoir à tous mes lecteurs,
Voici ma première dissertation réalisée avec Oscar en cours de Français.
En considérant l’histoire du théâtre, de l’Antiquité à nos jours, dans quelle mesure peut-on dire qu’il n’est et n’a été qu’un simple divertissement ? Vous répondrez à cette question en vous aidant des œuvres étudiées en classe et de votre culture personnelle.
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        La Critique de l’École des femmes est une pièce écrite par Molière en 1663 mettant en scène des personnages ayant vu la pièce L’École des femmes et qui argumentent avec vivacité dans le but de défendre la pièce ou de la condamner. Dans ce contexte, le théâtre paraît être une sorte d’agora ludique où les groupes de pairs peuvent se rassembler pour discuter. Il serait intéressant de réfléchir à une réponse à la question suivante : dans quelle mesure peut-on dire, en considérant l’histoire du théâtre de l’Antiquité à nos jours, qu’il n’est et n’a été simplement qu’un divertissement ? Si le divertissement est le synonyme d’un passetemps plaisant, il est également un moyen de se détourner des questions existentielles. Le théâtre n’aurait-il donc d’autres objectifs que de détourner notre conscience de nos fonctions primordiales ? Il est vrai que le théâtre peut aisément tenir cet engagement auprès du public, mais nous verrons par la suite qu’il remplit aussi d’autres fonctions bien plus sérieuses.
        Le théâtre est un art qui, à travers ses représentations, divertit les spectateurs en usant du comique pour qu’ils évacuent leurs idées sombres, tout autant qu’ils puissent rire librement de leurs défauts. Prenons l’exemple du Bourgeois gentilhomme de Molière, mettant en scène un père qui veut que sa fille se marie contre son gré avec un noble. Le comique de gestes est récurrent ; à travers les didascalies et les paroles échangées entre les personnages, nous pouvons apercevoir les mouvements qui auraient été réalisés par les acteurs, qui contribuent à faire rire le public, et ainsi à le divertir. Mais aussi le comique de situation et les différents quiproquos exagèrent l’extravagance de l’intrigue.
        Ainsi le divertissement d’une pièce de théâtre passe par le rire, mais aussi par d’autres éléments.
        Le théâtre fait voyager l’esprit du spectateur à travers une histoire dont il peut être le personnage. Penchonsnous sur Les Chatouilles ou la Danse de la Colère dAndréa Bescond. Ce seule en scène relate la jeunesse d’une victime d’agressions sexuelles par un de ses proches. Le spectacle est fait de telle manière que les spectateurs puissent s’identifier au personnage principal qu’est la victime. Le personnage est attachant, le spectacle est ponctué d’humour détendant l’atmosphère, nous avons tous été enfant dans notre vie, et beaucoup plus de jeunes filles ont déjà été agressées sexuellement qu’on ne le pense. Ainsi le sujet touchant permet au spectateur de s’identifier au personnage.
        Le divertissement, pour les spectateurs, continue souvent après le spectacle.
        Après la représentation, il peut être divertissant pour les spectateurs de dialoguer et de confronter leur point de vue avec d’autres au sujet de la pièce qu’ils viennent de voir. Ce type de dialogue argumentatif est transposé au théâtre par Molière dans une courte pièce en un acte intitulée La Critique de l’École des Femmes, créée six mois après la première représentation de L’École des Femmes. Ce texte met sur scène des « spectateurs » de L’École des Femmes pour qu’ils puissent librement infirmer ou défendre la pièce qu’ils ont vue. On sent un certain engouement des personnages à vouloir à tout prix montrer que la pièce ne respecte pas les règles du théâtre classique, ou au contraire qu’elle n’est pas du tout misogyne à cause du personnage d’Arnolphe qui n’est pas crédible. Les conditions du dialogue dans La Critique de l’École des Femmes sont très décontractées ; le lieu où se déroule l’intrigue est un salon appartenant à un particulier. On peut donc penser que les spectateurs aiment organiser des débats d’opinion au sujet d’une pièce, à l’issue de la représentation ; cela leur permet d’avoir une opinion plus riche et plus poussée sur la pièce.
        Si le comique, les procédés permettant au spectateur de s’identifier au personnage et les débats organisés à l’issue de la représentation définissent le théâtre comme une forme de divertissement, une analyse plus approfondie peut mettre en évidence un autre de ses rôles lié à l’éducation.
        Le théâtre permet au spectateur d’élargir sa connaissance des œuvres littéraires. Euripide écrit Les Troyennes, cette pièce est jouée pour la première fois en -415. Il décrit dans son ouvrage la guerre de Troie et enseigne donc aux spectateurs de nos jours cette guerre qui a marqué l’histoire. Mais aussi les coutumes de l’époque qui sont décrites avec précision et fidélité tout au long de la pièce. Mais ce privilège n’est pas réservé à Euripide. L’auteur classique Racine crée Andromaque en 1667, lui aussi décrit la guerre de Troie, cependant c’est avec un point de vue moderne qu’il le fait. Racine a aussi écrit Britannicus, les spectateurs peuvent découvrir Rome antique, les coutumes religieuses romaines tout autant que des personnages historiques marquants comme Néron. Ainsi, grâce au théâtre les spectateurs peuvent élargir leurs connaissances, autant historiques que géographiques.
        Au travers des pièces de théâtre les auteurs peuvent aussi faire passer des messages en plus de l’élargissement des connaissances.
        Toutefois, nous pouvons aussi affirmer que certaines pièces de théâtre servent avant tout à instruire pour sensibiliser, en faisant passer un message engagé. C’est le cas d’Antigone, écrite par Jean Anouilh et créée en 1944. Le sujet de la pièce est bien entendu un sujet antique, mais derrière ce récit se cache un message engagé en faveur de la Résistance française : faut-il laisser opérer la Justice qui applique les lois sans réfléchir, ou accepter de déroger exceptionnellement aux règles pour le bien commun ? De plus en plus de dramaturges utilisent le théâtre pour faire réagir les spectateurs sur des sujets d’actualité. Le théâtre engagé est donc une forme d’éducation à part entière.
        Enfin, la majorité des pièces créées dans le monde donnent, partiellement ou intégralement, une définition du théâtre à travers lui-même. Nous pouvons citer comme exemples La Famille, un spectacle de clowns russes par la compagnie Semianyki, ou encore Five Easy Pieces, un fait divers transposé au théâtre par le dramaturge belge Milo Rau. L’intrigue de La Famille mêle différents genres du registre comique avec des passages pathétiques qui font passer le spectateur du rire aux larmes. Cette structure propre au spectacle de clowns définit donc ce style théâtral à travers son scénario et le jeu des acteurs. Five Easy Pieces est une pièce présentée sous la forme d’un casting où les candidats doivent adapter un fait divers au cinéma, sans pour autant montrer toute l’horreur des crimes de Marc Dutroux. Une réflexion sur la façon de jouer au théâtre ou au cinéma est explicitement formulées entre chaque saynète relatant les conséquences des méfaits de Dutroux : jusqu’où doit-on pousser la manifestation des sentiments pour être crédible aux yeux du spectateur ? Ces deux exemples nous montrent que le théâtre peut s’auto-définir aisément.
In fine, nous avons montré que le théâtre a toujours tenu un rôle de divertissement par son comique, l’attachement que l’on porte aux personnages et aux discussions après sa représentation qu’il peut entraîner. Toutefois, il a un autre rôle que celui de divertir ; il doit aussi remplir des fonctions plus sérieuses, qui enrichissent la culture du spectateur, ou bien qui remet en cause la politique ou la religion. Enfin, si le théâtre assume le divertissement qu’il procure et passe par le détour du comique, de l’évasion et des débats amicaux, c’est avant tout pour ramener le spectateur vers un enseignement moral, social, ou encore pour définir le genre même du théâtre. Ce double rôle n’est pas propre au théâtre ; de nombreux autres genres littéraires en sont témoins, à commencer par les fables, les contes ou encore certains romans et essais. ■

Fin d’après-midi à Millas

Vous lisez ce texte dans sa version révisée du 30 mai 2022. Sa composition initiale date de février-mars 2018.

En ce début de printemps 2018, je suis avec des amis d’enfance, dans une grande véranda, à l’étage de la maison d’Albert, mon cousin.

Ce rendez-vous était prévu depuis une semaine. Nous devions nous retrouver pour prendre l’apéritif, et pour causer de nos vies respectives.

Pourtant, je ne me sens pas parfaitement à l’aise.

« Et toi, Robert ? Tu n’as presque rien dit depuis ton arrivée.

– Raconte-nous un peu ce que tu es devenu depuis tout ce temps ! renchérit Albert.

– Hum… Eh bien, maintenant, les gars, j’ai une femme, des enfants, un ménage tranquille… une vie bien rangée, quoi. Rien de plus banal ! ajouté-je en faisant basculer ma chaise et avec un sourire un peu forcé.

– Tu n’as pas l’air très décontracté, objecte Théodore, mon ami d’enfance. Quelque événement a dû te bouleverser ces derniers temps.

– Pour vous dire la vérité, hésité-je… Tu as raison, Théodore, déclaré-je gravement. Il m’est réellement arrivé quelque chose il y a trois mois.

– Ah ! s’ exclame Albert.

– Vas-y, raconte-nous ! m’encourage Marie.

– Cela te soulagera peut-être, souligne Olivier, son époux.

– Eh bien, si vous voulez connaître toute l’histoire… la voici », soupiré-je.

« Je suis cheminot. J’ai toujours voulu l’être, car j’ai toujours été attiré par les gares.

« Là-bas, c’est plein de gens qui ne font rien, qui attendent. Et pourtant… Des hommes d’affaires pressés consultent tour à tour leur montre et le tableau d’affichage des départs des convois. D’autres réajustent sans cesse le col de leur chemise, stressés et mal à l’aise devant tant de monde. Des personnes plus âgées embrassent tendrement de jeunes enfants, le sac sur le dos, partant en colonie de vacances, prêts à rejoindre leur groupe. Des amoureux s’étreignent longuement, les larmes aux yeux, avant que l’un d’eux ne se sépare à reculons de l’autre tant aimé, pour partir vers de nouveaux horizons, à l’heure où blanchit la campagne qui défile sous ses yeux par la fenêtre du compartiment des interminables voyages.

« Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi ce lieu m’attire autant. Sans doute parce que la gare est un théâtre de tous les jours : chaque étreinte, chaque baiser, chaque manie d’homme d’affaires m’apporte chaque soir sentiments et émotions. »

Cet intérêt que j’éprouve pour les gares ne date pas d’hier, comme je l’indiquais un peu plus haut. À douze ans déjà, je quittais le collège en trombe pour me précipiter dans le hall de celle de ma ville, avec dans le cœur le vague mais persistant espoir d’y trouver quelque chose d’intéressant : un départ douloureux, des retrouvailles passionnées – ou même, tout simplement, des incompréhensions face à un plan de la ville ou devant un comptoir de change. C’était mon spectacle de la soirée. La gare de ma ville était le cinéma de ma vie. J’en étais le seul spectateur – et aussi le seul metteur en scène, car je me plaisais à rassembler toutes ces personnes qui ne faisaient que se croiser dans ce lieu public. Je me plaisais à les réunir dans ma tête, et à créer des histoires à partir de ce qu’ils m’avaient montré d’eux-mêmes en cinq minutes à peine – et cela suffisait à me rendre heureux.

Je me souviens très bien d’une de ces sorties solitaires. Pas la première – sans doute la deuxième ou la troisième. Il était cinq heures de l’après-midi. Je rentrais du collège, écrasé par mon morne quotidien mais aussi par un sac à dos de quarante kilos. La pluie tambourinait sur le plafond de l’entrée principale et jetait des bruits assourdissants dans la salle, aussitôt réverbérés dans tout le rez-de-chaussée du bâtiment. Ce soir-là, évidemment, personne ne jouait du piano. Pour trouver un peu de calme, je me suis réfugié sur les quais souterrains par le premier escalier qui se trouvait à ma gauche.

Le quai était parfaitement désert. On ne percevait pas l’ombre d’un sac de pique-nique ni l’éclat d’une voix. Tout était silencieux, terne, mort.

Je suis resté ainsi plusieurs minutes, tantôt méditant, tantôt songeant, tel un enfant en bas âge attendant sagement son spectacle de marionnettes.

Au bout de dix minutes, j’ai entendu des bruits de pas dans l’escalier. Une personne est arrivée, puis une autre, puis encore une autre. Enfin, un train s’est arrêté. C’était un train à grande vitesse, provenant de Bordeaux, bref, un vrai train normal comme j’en croisais tous les jours. La voix automatisée a annoncé l’heure de départ du convoi, c’est-à-dire quinze minutes plus tard. Le T.G.V. poursuivrait sa route jusqu’à Nice en passant par Marseille. J’attendais toujours, pensif, un peu étouffé par la foule qui se refermait sur moi peu à peu.

Tout à coup, deux personnes ont attiré mon regard curieux. C’étaient deux femmes : l’une brune, grande, plutôt mince, les cheveux coupés court, à la garçonne ; l’autre blonde et beaucoup plus svelte encore – plus fragile peut-être ? Elles se tenaient les mains, interdites, déconcertées. Une grande tristesse se lisait dans leurs regards. Elles avaient les larmes aux yeux, mais ne laissaient s’échapper aucun sanglot. Comme les agents commençaient à s’activer autour du wagon, les deux femmes se sont lentement lâché les mains. Accablée par tant d’émotion, la blonde a passé ses bras autour de la taille de la brune, et la brune a plongé sa main droite dans la jungle des cheveux de la blonde. Elles sont restées encore quelques secondes ainsi, se serrant si fort qu’on avait peur de les voir se briser, avec tellement de fougue et d’émotion que j’ai frissonné longuement. J’avais déjà vu mes parents ainsi, quand j’étais plus jeune, les épiant discrètement par la serrure de la porte de la cuisine. Mais ce soir-là – je ne savais, et ne sais toujours pas pourquoi – je me sentais particulièrement réceptif et sensible.

Enfin les deux amantes se sont séparées, n’osant s’embrasser et pressées par les agents attachés au convoi qui s’activaient autour d’elles. Elles étaient muettes, interdites, mystérieuses. La blonde, qui se trouvait au plus proche du quai, a sauté dans le wagon et, se retournant une dernière fois, a fait un signe de la main à la brune, arborant un sourire léger, faible et fragile, mais qui se voulait fier et protecteur. La femme restée sur le quai semblait avoir vieilli de dix ans. Elle s’est un peu approchée et a répondu à son amante par le même geste, puis lui a envoyé un baiser. La blonde, qui avait un instant regardé attentivement la série de signes de sa bien-aimée, s’est vivement retournée, serrant les poings, comme pour laisser s’échapper un flot de larmes retenu trop longtemps. Elle est lentement entrée dans le compartiment, tandis que le train commençait la deuxième partie de son voyage méditerranéen.

Ce soir-là, devant tant de monde, assis sur la huitième marche de l’escalier reliant le hall d’entrée de la gare au quai T de la voie A – ce soir-là je venais de découvrir, ou plutôt de retrouver, ce sentiment qui anime et animera toujours tant de personnes sur Terre. Je venais de retrouver l’amour – non pas comme sentiment d’appartenance à une famille, mais comme ce qui unit mystérieusement deux personnes qui semblent initialement ne rien avoir en commun, mais que le hasard a simplement rapproché et qui se sont étrangement plu dès le premier regard.

Complètement déboussolé, le train parti, le quai évacué, je me suis hâté de remonter l’escalier et de rentrer chez moi pour reprendre ma vie habituelle, sans sentiment, sans émotion.

C’est donc dans le chemin de fer que j’ai porté toutes mes ambitions professionnelles. Mon bac en poche en 1998, j’ai par la suite fait de brillantes études de dessin industriel et ai rapidement trouvé un poste de manutentionnaire à la gare S.N.C.F. de Perpignan.

Depuis, je travaille sur les quais. Dès l’arrivée d’un train, je vérifie rapidement son état global, puis je fais embarquer les passagers. Des milliers de passagers par jour, tous différents.

Car oui, c’est ce que j’aime dans les gares : chacune d’elles rassemble des milliers de vies différentes – de mondes différents. Elle les sublime un instant, à peine plus d’une minute, avant de les redissoudre à jamais dans la foule informe et insensible.

C’est à la gare que je viens emplir mon cœur d’états d’âme. Enfin, le soir, à la fin de mes heures de service, je rentre chez moi, pensif, muet, et ému.

« Le 20 octobre 2016, j’ai déménagé avec ma femme et mes enfants dans une demeure de campagne à Millas, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Perpignan. L’air frais de la campagne nous a permis de retrouver le sourire après la mort de notre fils. Je m’éloigne de la gare, mais je suis toujours proche de ma famille.

« Le 14 décembre 2017, à six heures du matin, je me lève, m’habille, prends un petit-déjeuner frugal et quitte la maison à pas de loup pour ne pas réveiller Annie. Je démarre pour m’engager sur la chaussée.

« Il fait encore nuit. Je suis gelé. Mes mains frigorifiées semblent diriger le volant d’une manière surnaturelle, et par leur seule volonté.

« J’arrive au passage à niveau numéro 25. Un train passe. Un T.E.R. roulant à soixante-dix kilomètres à l’heure. La poisse. Ce train est long. Je vais être en retard. Enfin, le train disparaît, je peux passer. La barrière est déjà ouverte. Tant mieux. Je passe.

« A sept heures précises, je retrouve mes collègues à la gare. J’enfile mon uniforme en vitesse et commence à inspecter le T.G.V. qui partira pour Bordeaux à sept heures quatorze.

« A cinq heures de l’après-midi, ma femme m’appelle en me faisant part d’un certain accident qui vient de se dérouler à ce moment-là au passage numéro 25. Elle me demande si je n’ai rien vu d’anormal en passant par là quelques heures plus tôt. Je lui réponds par la négative et raccroche, persuadé que la collision que me décrit Annie n’a rien de très alarmant. Elle devrait arrêter de se faire du souci pour tout et n’importe quoi, me dis-je.

« A six heures et demie, j’ai fini ma journée. Je m’apprête à prendre le chemin de l’aller en sens inverse, mais la route est barrée. Pour cause d’accident. Mince, ça a dû être grave, finalement. Je fais demi-tour et décide de prendre un autre itinéraire.

« A sept heures, sitôt rentré, je me jette sur la télécommande du poste de télévision et sur mon ordinateur portable.

« Un bilan dramatique. Quatre morts, quatre collégiens. Plus quatorze blessés graves. Une vraie tuerie. Les premières images sont horribles : le car coupé en deux dans le sens de la largeur, du sang, des cris partout, des cris d’enfants. »

Je fais une pause pour reprendre mon souffle. Tout le monde semble boire mes paroles, tous sont suspendus à mes lèvres et n’attendent qu’une chose : que je termine mon sidérant récit.

Je me racle la gorge et commence à sortir des journaux froissés de la poche droite de mon grand manteau.

« Le lendemain matin, vendredi 15 décembre, j’achète tous les journaux. »

Je fais passer les feuilles de papier, silencieux.

 Un drame à Millas
 Un terrible accident s’est produit hier peu après 16 h entre un autocar transportant des élèves du collège Christian-Bourquin et un T.E.R., au passage à niveau no 25 de la ligne de Perpignan à Villefranche – Vernet-les-Bains au lieu-dit Los Palaus, sur la route de Thuir (D612). Le T.E.R. roulant dans le sens ouest/est a percuté très violemment l’autocar scolaire qui roulait dans le sens sud/nord, le coupant en deux. La rame n’a pas déraillé. Le T.E.R. roulait à 75 km/h, en dessous de la vitesse autorisée sur cette portion de voie (100 km/h). Le car, lui, roulait à 12 km/h selon son chronotachygraphe.
 Notre bilan fait état de 4 adolescents tués et de 14 blessés graves dont la conductrice, 5 en urgence absolue et 9 autres en urgence relative, tous passagers de l’autocar scolaire. Les 22 personnes présentes à bord du T.E.R.…

Je me racle la gorge pour indiquer que je vais reprendre mon récit. Le plus dur est encore à venir. Je laisse passer un temps. Je ferme les yeux, je respire. Je me lance.

« C’est à ce moment précis que la mémoire me revient, comme un éclair qui me ramène aussitôt dans les confins de ma mémoire, vingt-quatre heures plus tôt.

« Je m’en souviens parfaitement.

« La barrière était déjà ouverte quand le train était en train de passer.

« Si j’avais vu cette barrière, si seulement je l’avais vue ouverte, j’aurais pu empêcher ce drame. Je serais descendu de la voiture et aurais pu réparer la barrière, ou au moins alerter la S.N.C.F. J’aurais pu épargner les dizaines de collégiens dont la vie est désormais détruite à tout jamais. Ils avaient toute la vie devant eux, et voilà qu’ils ne verront plus jamais le monde comme avant, s’ils n’ont pas déjà cessé de le voir. Je viens d’entrer dans leur destin sans le vouloir. »

Je me tais à nouveau pour marquer la fin de mon récit macabre et laisser mes pairs méditer sur le sujet.

« T’es-tu déclaré à la justice ? me demande Marie de sa voix pure et cristalline.

– Ce n’est pas une bête idée, renchérit Olivier. Tu devrais témoigner en faveur de la conductrice.

– J’ai eu récemment des nouvelles de cette collision. Il paraît que les enquêteurs vont plutôt vers la thèse des barrières fermées, ce qui risque d’invalider complètement la version de la conductrice, explique Théodore.

– Je n’en sais rien, réponds-je après un silence. Après tout, le destin fera son tour, soupiré-je. Tout ce que je sais, c’est que j’ai fait dix-huit victimes de mon inattention. Dix-huit collégiens, si jeunes, si pleins de vie…

– Ne va pas dramatiser les choses, me rassure Marie d’un ton calme et amical. En réfléchissant bien, tu n’aurais rien pu faire de plus. Dans le noir, personne ne voit très bien, et il est presque impossible d’y détecter quelque chose d’anormal si c’est silencieux.

– Si j’étais à ta place, je pense que je n’aurais pas pu agir autrement », ajoute Albert.

Un moment de silence – de recueillement – s’ensuit. Nous restons là, penauds, sans rien oser faire ni dire.

– Dix-huit enfants. Zut. C’est si dommage, finis-je par lâcher dans un second soupir.

– Ne pense plus à ces gamins, Robert. Ce qui est fait est fait, et de toute façon tu n’as rien à voir là-dedans. La conductrice, ce n’était pas toi, me répète Marie. »

*
* *

Je suis dehors. Il fait froid. J’ai mal à la tête.

D’accord, je n’avais pas vu que la barrière était ouverte. D’accord, je ne me suis soucié de rien lorsque Annie m’a téléphoné. Mais Marie avait raison. Et puis, après tout, qu’aurais-je pu faire pour empêcher ce drame ? Tenter de réparer la barrière ? En parler à mes collègues à mon arrivée ? Contacter le service de maintenance ?

Tant pis. Ce qui est fait est fait, et je n’y suis pour rien.

Je ne rentre pas chez moi tout de suite. Je me dirige aussitôt vers le commissariat de police. Je pense que c’est ce qu’il y a de plus utile à faire, à présent.

Ne pense plus à ces gosses, me dis-je. Pense à ton avenir, Robert.

Mars 2018

Il neige !

Cher lecteur, grand enfant à la quête de cadeaux sous le sapin, salut !

Voici la « surprise de Noël » tant attendue ! Il s’agit d’un atelier de fabrication et de décoration (avec une relation géométrique intéressante) d’un trihexaflexagone.

Comment ça, à mes souhaits ?? Tout le monde sait ce qu’est un trihexaflexagone, voyons !!!

A. Fabrication

Bon, d’accord, vous allez le savoir, mais j’ai sincèrement la flemme de vous expliquer. Donc je vais laisser Wikihow parler à ma place. Mais avant tout, vous aurez besoin d’imprimer ceci, de taille relative à celle que vous souhaitez pour votre trihexaflexatruc :

Pour télécharger l’image sur votre disque dur, faites un clic droit sur l’image et sélectionnez « Enregistrer l’image sous… ».
Si vous ne souhaitez rien imprimer, construisez une bande de papier avec 10 triangles équilatéraux adjacents. Le premier triangle sera à l’envers, pointe vers le bas. Le dernier, quant à lui, aura sa pointe dirigée vers le haut.
Les triangles intermédiaires alternent pointe en bas, pointe en haut.
Les deux triangles des extrémités n’ont qu’un seul triangle adjacent. Ceux de l’intérieur ont un triangle de chaque côté. Les bases de ces triangles sont libres.
Vous devez prendre bien soin de tracer des triangles parfaitement équilatéraux, sans quoi votre pliage ne pourra se faire.
Ne découpez surtout pas les triangles !

1) Numérotez les triangles des deux côtés. Numérotez chaque triangle de la première face en commençant par la gauche (de 1 à 10). Retournez la bande et faites de même en numérotant de 11 à 20.
Faites un marquage au crayon papier, sans appuyer, afin de pouvoir à la fin effacer les numéros.
Le numéro de la face arrière d’un triangle est augmenté de 10 par rapport au numéro de la face avant. Ainsi le premier triangle porte les numéros 1 et 11.

2) Marquez nettement le pli sur le côté commun à deux triangles successifs. Marquez ce pli dans un sens, puis dans l’autre. Faites cela pour tous les côtés adjacents. Le pliage qui suit en sera facilité.

3) Repliez les trois premiers triangles vers le bas et en arrière. Les triangles 1, 2 et 3 doivent être repliés en arrière et vers le bas le long du pli formé par les triangles 3 et 4.
Ce pliage fait, vous devez apercevoir les triangles 11 et 12, ce dernier étant juste sous le triangle 4.

4) Repliez les quatre derniers triangles (de droite) vers le bas et par-dessus. Les triangles 7, 8, 9 et 10 doivent être repliés sur l’avant et vers le bas, le long du pli situé entre les triangles 6 et 7.
Le triangle 6 a été recouvert.
Horizontalement, il ne vous reste plus que les triangles 4 et 5. Tous les autres triangles étaient au départ derrière et portent donc tous un numéro supérieur à 10.
Vous avez désormais en main un quasi-hexagone, n’était le petit triangle (n°20) du bas.

5) Ramenez le triangle 11 (qui est caché) sur le devant, sur le triangle 19. À ce stade, le triangle 11 est caché par le triangle 19. Faites passer le 11 sur le 19.
Le reste du pliage ne bouge pas.

6) Ramenez le triangle 20 sur le triangle 11. Le triangle 20 doit être replié vers le haut, son côté supérieur étant l’axe du pliage. Désormais, il recouvre le triangle 11.
Les triangles 11 et 20 sont alors invisibles, le triangle 10 est devant vous.
Notez au passage que vous avez maintenant un vrai hexagone.

7) Mettez un petit bout de ruban adhésif au niveau du pli entre les triangles 10 et 11. Glissez la moitié de l’adhésif sous le triangle 10, face collante vers le haut et rabattez l’autre moitié sur la face avant de ce même triangle 10.
Ainsi, votre hexaflexagone ne se dépliera plus.

8)

Pliez l’hexaflexagone. Maintenant, votre pliage est prêt, il ne reste plus qu’à le « plier » sur lui-même pour en faire une figure à trois dimensions.
Tenez votre hexaflexagone à deux mains.
Pincez deux des triangles pour les rapprocher. Vous devez choisir deux triangles contigus, mais qui ne partagent pas un pli commun.
Pincez deux des triangles avec la main gauche (ou la droite si vous êtes gaucher)
Avec l’autre main, poussez sans forcer l’autre côté, plutôt dans la partie basse et en direction du centre du pliage, pour faire apparaître 3 arêtes.
Votre hexaflexagone est ouvert en son centre et avec votre main dominante, vous pouvez écarter pour élargir l’ouverture, ce qui vous permet de voir votre pliage avec les autres triangles.

Source : fr.wikihow.com/plier-un-hexaflexagone

B. Décoration

Ce que je vous propose à présent est une décoration originale et imaginée par moi-même pour votre triflexa…bref, de votre flocon.
Pour cela, vous n’avez qu’à suivre les images.

‘-> 1) Pour commencer, prenez n’importe quelle face numérotée de votre flocon, cela n’a pas d’importance pour l’instant.


‘-> 2) Gommez les numéros DE CETTE FACE UNIQUEMENT et marquez les milieux de chaque côté autour du flocon.


‘-> 3) Partez d’un milieu et tracez tous les segments reliant ce point aux sommets du flocon et aux marques que vous avez faites dans l’étape précédente.


‘-> Explication de l’étape 3.


‘-> Répétez l’étape 3 pour tous les milieux des côtés et toutes les extrémités.

‘-> 4) Retournez votre flocon.


‘-> 5) Pliez votre trihexaflexagone de cette manière.


‘-> 6) Vous obtenez les mêmes traits, cependant disposés différemment. Or vous remarquez avec vos yeux de lynx que beaucoup de traits semblent se rejoindre en trois points précis de l’hexagone :


‘-> 7) Coloriez en orange le triangle formé par les points mentionnés à l’étape 6, plus les trois formes indiquées sur l’image en rouge et en jaune.

8) Retournez à nouveau votre trihexaflexagone.


‘-> 9) Répétez l’étape 5.


‘-> 10) Vous obtenez un carré central rouge et jaune avec des morceaux de triangle orange autour. Formidable, non ?

11) Répétez l’opération pour les deux autres faces, avec d’autres couleurs pour le coloriage.

Allez, au revoir, bon coloriage et vive Noël !