II) Les impacts sur la vie marine

Accroche : Dans notre deuxième partie, nous allons définir les nombreuses conséquences de la pollution engendrée par les microplastiques, du cas particulier jusqu'à l'impact général. Nous nous demanderons en quoi ces particules sont nocives pour l'individu, puis comment celles-ci touchent les populations, avant de mesurer l'impact de cette pollution sur la chaîne alimentaire marine.

Partie 1 : les impacts sur l'individu


En mer, d'énormes quantités de microplastiques sont retrouvés dans les coquillages. Pour preuve, on a constaté qu'en Europe, un consommateur moyen de coquillages ingère 11 000 microplastiques par an.

Il ne faut pas confondre les impacts des microplastiques et ceux des macroplastiques sur les individus marins. Généralement, les impacts des macroplastiques sont plus visibles que ceux des macroplastiques, et sont néfastes à court terme. Une accumulation de macroplastiques agit comme un effet "éponge", et provoque la mort par asphyxie, en bloquant les voies respiratoires, ou par la faim, en perturbant le processus de digestion. De leur côté, les microplastiques peuvent toucher les êtres marins de deux manières, qui sont dites directe et indirecte. "Directe" signifie que les animaux ont ingéré directement les microplastiques, tandis qu'"indirecte" désigne le fait que les individus en ont mangé par l'intermédiaire de la chaîne alimentaire. Il est très facile pour un animal marin de confondre, par exemple, les zooplanctons et les microplastiques étant donné qu'ils font la même taille.

Les microplastiques sont porteurs de nombreux éléments chimiques, qui sont pour la plupart des perturbateurs pour les organismes marins. Ils touchent l'organisme à différentes échelles, et peuvent même provoquer la mort d'un individu. Les chercheurs ont surtout observé un impact sur le système immunitaire des individus, et sur leur système de reproduction. Les défenses naturelles des êtres marins sont moins efficaces, et ainsi, ils sont plus exposés aux maladies. De même, comme leur système de reproduction est aussi impacté, les individus marins sont moins aptes à se reproduire, et cela peut être dangereux pour les populations. De plus, comme les plastiques contiennent des perturbateurs hormonaux et endocriniens, ils peuvent aussi provoquer de l'obésité, du diabète, ou encore, des cancers. Par ailleurs, certaines études sur des poissons ont réussi à mettre en évidence que les microplastiques causent des dommages cérébraux et des troubles comportementaux sur les espèces étudiées.

Néanmoins, l'impact des microplastiques varie d'un individu à un autre. Certains excrètent les microplastiques comme ils le font pour leurs aliments, c'est-à-dire que les microplastiques parcourent l'estomac, puis les intestins avant d'être excrétés. D'autres connaissent une modification des équilibres biologiques. Par exemple, lorsqu'une espèce marine qui vit sur le fond marin, et qui va à la surface, au même niveau que les planctons, pendant sa période de sa reproduction, elle devient une espèce planctonique. Ces larves unicellulaires se fixent alors normalement au plancton. Or, avec la présence de microplastiques en surface, les larves les confondent avec du plancton, et se fixent à ces derniers. Cela change le mode vie de cette espèce, car comme elle se fixe sur les microplastiques, elle vit ensuite en surface, contrairement à ses habitudes qui sont de retourner sur les fonds marins après la période de reproduction.

Actuellement, on sait que la modification des équilibres biologiques est la conséquence la plus importante ; seulement, on ne les connaît pas encore sur un long terme.


Cependant, ce n'est pas le plastique lui-même qui est toxique, mais plutôt les perturbateurs, ou contaminants, qui s'y trouvent à la surface. Nous avons interviewé François Galgani, océanographe et biologiste à l'Ifremer. Ce dernier soutient que cette pollution "est très minime" à l'échelle d'un seul individu. Il ajoute que si les polluants sont sur le plastique, cela signifie qu'ils sont aussi dans l'eau.

Comment les chercheurs déterminent l'impact sur l'individu ?


Pour leurs expériences, les chercheurs reconstituent les eaux avec plus de plastique que dans le milieu marin, ce qui permet aux scientifiques d'étudier à une plus petite échelle la faune qui va être en contact direct avec ce milieu, et qui subira de ce fait une altération de son système reproducteur. Ce sont ces expériences qui serviront de sources aux médias. En fait, ces expériences n’imitent pas le milieu naturel, mais le modélisent à une très grande échelle. Le fait qu'on ne dénombre aujourd'hui que très peu de cas de modifications d’espèces est certes lié au problème des microplastiques, mais il est plus lié au macroplastique. Cela nous est confirmé par le grand nombre de dépouilles d'animaux marins dans lesquels on a trouvé de grandes quantités de macroplastiques. En effet, ces animaux, à force d'ingérer accidentellement et régulièrement des débris de plastique, finissent par mourir de faim et d'obstruction intestinale.


Partie 2 : les impacts sur la population


Les macroplastiques et les microplastiques ont des effets très différents sur la faune marine. La conséquence principale de la pollution macroplastique en mer est la migration d’espèces invasives qui s'accrochent aux morceaux de plastique, et qui se multiplient très rapidement à cause du réchauffement de la planète. Les microplastiques, par leur taille, ont un effet tout autre sur la biodiversité marine.

De nos jours, des microplastiques ont été trouvés dans presque tous les habitats marins autour du monde. Des chercheurs ont trouvé une moyenne de concentration de microplastiques dans les poissons selon leur emplacement géographique. Selon les résultats, dans la Manche, 36,5 %, soit un tiers, des poissons sont touchés par les microplastiques, 18 % dans la mer Méditerranée, et 25 %, soit un quart, dans les mers territoriales des États Unis. On estime que chaque année, 6,5 à 8 millions de tonnes de déchets plastiques sont rejetés dans la mer. Ces plastiques se transforment en micro-particules qui peuvent être ingérées par la faune marine. Il a été prouvé que ces microplastiques causent beaucoup de perturbations dans la biodiversité marine.

On a découvert qu'un million d'oiseaux et 100 000 mammifères meurent chaque année dans le monde. Ces chiffres correspondent aux 700 espèces marines menacées par le plastique. Il se trouve qu'au delà du réchauffement climatique, les chercheurs suspectent une corrélation entre l'augmentation de la mortalité des espèces marines et les microplastiques. En fait, tous les animaux sont touchés par ces microparticules, mais certaines espèces sont plus exposées que d'autres. Les cachalots n'avalent pas de microplastiques car ils sont actifs (avec des dents), sauf quand ils raclent le fond, ils sont alors exposés aux microplastiques, et peuvent alors en mourir. Les dauphins ne raclent pas, ils sont actifs (avec des dents), donc ils n'ont pas de microplastiques dans leur estomac, comme l'a confirmé Eugénie Tardieu, chercheuse. En revanche, d'autres animaux, tels que les baleines, possédant des fanons, avalent de très grandes quantités de microplastiques, car ce sont des animaux filtreurs.

De même, les huîtres et les moules ont tendance à ingérer une quantité importante de microplastiques car il s'agit d'animaux filtreurs, donc dépourvues de pinces pour attraper leur nourriture. Ainsi, les filtres présents dans leurs estomacs, qui sont censés retenir la nourriture, retiennent aussi les microplastiques. En revanche, les carnivores, qui utilisent des pinces pour se nourrir, ingèrent beaucoup moins de plastiques.



Néanmoins, d'autres espèces retiennent le plastique dans leurs estomacs : c'est le cas de certains oiseaux et des procélariformes. Leur particularité relève de la présence d'une poche dans leur estomac, où ils disposaient autrefois des pierres ponces qui les aidaient à digérer et à broyer leur nourriture. A présent, cette pierre ponce a été remplacée par des microplastiques. Il est aussi important de savoir que l'impact des microplastiques sur la vie marine varie non seulement d'une espèce à une autre, mais aussi au sein même des groupes. Car, en effet, la densité en microplastiques selon les océans varie.

Enfin, certaines espèces ingèrent du plastique sans aucun doute, tandis que d'autres n'en ingèrent pas.


Les microplastiques sont des perturbateurs endocriniens qui déciment les populations. Les microplastiques sont connus pour absorber et accumuler des éléments chimiques tels que le cuivre, qui, à forte concentration, sont toxiques pour les êtres vivants, qu'ils soient terrestres ou marins. Tout cela crée une grande diminution des populations touchées. La diminution des populations de plancton est aussi un gros problème, car ceux-ci produisent plus de la moitié du dioxygène sur Terre.


Partie 3 : les impacts sur la chaîne alimentaire


L'écosystème est organisé de façon à ce que les plus petits soient toujours mangés par les plus gros, c'est ce qu'on appelle la "pyramide" ou "chaîne alimentaire".

Ainsi, il suffit qu'un seul élément de la chaîne alimentaire disparaisse pour que toute la chaîne soit impactée.


Pyramide alimentaire marine :

    1) Microorganismes chargés de dégrader le plastique, organismes phytoplanctoniques
    2) Invertébrés benthiques
    3) Organismes zooplanctoniques
    4) Ammodytes, crustacés planctoniques
    5) Petits poissons, crustacés
    6) Gros poissons, oiseaux marins, phoques, cétacés



Voici ce que l'on peut penser : Des recherches ont démontré que les microplastiques issus de la décomposition des déchets facilitent la dispersion d’algues toxiques et de microorganismes pathogènes dans l'environnement marin. Les bactéries chargées de bio-dégrader les déchets plastique sont contaminés. Ces êtres vivants, invisibles à l’œil nu, sont ingérés par du phytoplancton, puis par du zooplancton. Ces derniers constituant l'alimentation primaire de la vie marine, ils sont mangés par des poissons de plus en plus gros. Quand le poisson est suffisamment gros, un oiseau s'en nourrit, et c'est ainsi que l'on retrouve du plastique dans son cadavre, lorsqu'il meurt de faim après avoir intériorisé trop de plastique. La loi naturelle de la pyramide alimentaire devient insupportable pour les animaux dès lors qu'une espèce est contaminée : si l'on prend l'exemple des petits poissons, ces derniers vont se nourrir de zooplancton qui sont emplis de plastique, mais ils en avalent aussi de surcroît, car ils vivent déjà dans un écosystème pollué par des débris de plastique. Sachant que l'Homme est le dernier prédateur de l'écosystème marin, c'est à dire le plus haut organisme dans la pyramide alimentaire, nous pouvons expliquer pourquoi l'on a détecté très récemment (en 2018) des particules de plastique dans des excréments humains.

En première analyse, nous pouvons penser que quand un corps en plastique entre dans une chaîne alimentaire, celui-ci passe d'un organisme à un autre sans en sortir.

Cependant, les chercheurs, tels que François Galgani, estiment que lorsqu'un plastique est ingéré par un organisme marin, il est très peu probable que celui-ci se fasse manger avant qu'il ait digéré le plastique donc rejeté cette matière. Au départ, le plancton digère le plastique, il aura évacué sa particule en deux à trois heures, et s'il se fait manger par le planctophage, eux aussi auront évacué leurs particules de plastique avant de se faire manger. A chaque étape de la pyramide, des microplastiques sont excrétés. Donc, il est très peu probable que les individus qui se trouvent en haut de la pyramide ingèrent des microplastiques. Le risque d'absorption de plastique par la chaîne alimentaire fonctionne seulement sur des chaînes très courtes (par exemple, par chaîne moules-hommes).

Le transfert trophique des microplastiques est peu probable, car le microplastique est souvent rejeté avant qu'il soit ingéré par un nouvel être vivant. Ce transfert ne fonctionne que sur les chaînes alimentaires très courtes.

Quel est l'impact sur l'Homme ?


La chaîne alimentaire marine n'a qu'un très faible impact sur l'Homme. Dans le cas contraire, on dirait que l'homme ingère du plastique par transfert trophique, c'est-à-dire par la chaîne alimentaire. En effet, quand l'Homme mange du poisson, il enlève généralement les structures digestives. Le seul transfert trophique qu'il peut subir se réalise par l'intermédiaire des fruits de mer. Néanmoins, l'Homme ingère surtout des microplastiques à travers l'air qu'il respire. Cet impact est actuellement qualifié de réduit.