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Le théâtre n’est-il qu’un divertissement ?

Bonsoir à tous mes lecteurs,
Voici ma première dissertation réalisée avec Oscar en cours de Français.
En considérant l’histoire du théâtre, de l’Antiquité à nos jours, dans quelle mesure peut-on dire qu’il n’est et n’a été qu’un simple divertissement ? Vous répondrez à cette question en vous aidant des œuvres étudiées en classe et de votre culture personnelle.
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        La Critique de l’École des femmes est une pièce écrite par Molière en 1663 mettant en scène des personnages ayant vu la pièce L’École des femmes et qui argumentent avec vivacité dans le but de défendre la pièce ou de la condamner. Dans ce contexte, le théâtre paraît être une sorte d’agora ludique où les groupes de pairs peuvent se rassembler pour discuter. Il serait intéressant de réfléchir à une réponse à la question suivante : dans quelle mesure peut-on dire, en considérant l’histoire du théâtre de l’Antiquité à nos jours, qu’il n’est et n’a été simplement qu’un divertissement ? Si le divertissement est le synonyme d’un passetemps plaisant, il est également un moyen de se détourner des questions existentielles. Le théâtre n’aurait-il donc d’autres objectifs que de détourner notre conscience de nos fonctions primordiales ? Il est vrai que le théâtre peut aisément tenir cet engagement auprès du public, mais nous verrons par la suite qu’il remplit aussi d’autres fonctions bien plus sérieuses.
        Le théâtre est un art qui, à travers ses représentations, divertit les spectateurs en usant du comique pour qu’ils évacuent leurs idées sombres, tout autant qu’ils puissent rire librement de leurs défauts. Prenons l’exemple du Bourgeois gentilhomme de Molière, mettant en scène un père qui veut que sa fille se marie contre son gré avec un noble. Le comique de gestes est récurrent ; à travers les didascalies et les paroles échangées entre les personnages, nous pouvons apercevoir les mouvements qui auraient été réalisés par les acteurs, qui contribuent à faire rire le public, et ainsi à le divertir. Mais aussi le comique de situation et les différents quiproquos exagèrent l’extravagance de l’intrigue.
        Ainsi le divertissement d’une pièce de théâtre passe par le rire, mais aussi par d’autres éléments.
        Le théâtre fait voyager l’esprit du spectateur à travers une histoire dont il peut être le personnage. Penchonsnous sur Les Chatouilles ou la Danse de la Colère dAndréa Bescond. Ce seule en scène relate la jeunesse d’une victime d’agressions sexuelles par un de ses proches. Le spectacle est fait de telle manière que les spectateurs puissent s’identifier au personnage principal qu’est la victime. Le personnage est attachant, le spectacle est ponctué d’humour détendant l’atmosphère, nous avons tous été enfant dans notre vie, et beaucoup plus de jeunes filles ont déjà été agressées sexuellement qu’on ne le pense. Ainsi le sujet touchant permet au spectateur de s’identifier au personnage.
        Le divertissement, pour les spectateurs, continue souvent après le spectacle.
        Après la représentation, il peut être divertissant pour les spectateurs de dialoguer et de confronter leur point de vue avec d’autres au sujet de la pièce qu’ils viennent de voir. Ce type de dialogue argumentatif est transposé au théâtre par Molière dans une courte pièce en un acte intitulée La Critique de l’École des Femmes, créée six mois après la première représentation de L’École des Femmes. Ce texte met sur scène des « spectateurs » de L’École des Femmes pour qu’ils puissent librement infirmer ou défendre la pièce qu’ils ont vue. On sent un certain engouement des personnages à vouloir à tout prix montrer que la pièce ne respecte pas les règles du théâtre classique, ou au contraire qu’elle n’est pas du tout misogyne à cause du personnage d’Arnolphe qui n’est pas crédible. Les conditions du dialogue dans La Critique de l’École des Femmes sont très décontractées ; le lieu où se déroule l’intrigue est un salon appartenant à un particulier. On peut donc penser que les spectateurs aiment organiser des débats d’opinion au sujet d’une pièce, à l’issue de la représentation ; cela leur permet d’avoir une opinion plus riche et plus poussée sur la pièce.
        Si le comique, les procédés permettant au spectateur de s’identifier au personnage et les débats organisés à l’issue de la représentation définissent le théâtre comme une forme de divertissement, une analyse plus approfondie peut mettre en évidence un autre de ses rôles lié à l’éducation.
        Le théâtre permet au spectateur d’élargir sa connaissance des œuvres littéraires. Euripide écrit Les Troyennes, cette pièce est jouée pour la première fois en -415. Il décrit dans son ouvrage la guerre de Troie et enseigne donc aux spectateurs de nos jours cette guerre qui a marqué l’histoire. Mais aussi les coutumes de l’époque qui sont décrites avec précision et fidélité tout au long de la pièce. Mais ce privilège n’est pas réservé à Euripide. L’auteur classique Racine crée Andromaque en 1667, lui aussi décrit la guerre de Troie, cependant c’est avec un point de vue moderne qu’il le fait. Racine a aussi écrit Britannicus, les spectateurs peuvent découvrir Rome antique, les coutumes religieuses romaines tout autant que des personnages historiques marquants comme Néron. Ainsi, grâce au théâtre les spectateurs peuvent élargir leurs connaissances, autant historiques que géographiques.
        Au travers des pièces de théâtre les auteurs peuvent aussi faire passer des messages en plus de l’élargissement des connaissances.
        Toutefois, nous pouvons aussi affirmer que certaines pièces de théâtre servent avant tout à instruire pour sensibiliser, en faisant passer un message engagé. C’est le cas d’Antigone, écrite par Jean Anouilh et créée en 1944. Le sujet de la pièce est bien entendu un sujet antique, mais derrière ce récit se cache un message engagé en faveur de la Résistance française : faut-il laisser opérer la Justice qui applique les lois sans réfléchir, ou accepter de déroger exceptionnellement aux règles pour le bien commun ? De plus en plus de dramaturges utilisent le théâtre pour faire réagir les spectateurs sur des sujets d’actualité. Le théâtre engagé est donc une forme d’éducation à part entière.
        Enfin, la majorité des pièces créées dans le monde donnent, partiellement ou intégralement, une définition du théâtre à travers lui-même. Nous pouvons citer comme exemples La Famille, un spectacle de clowns russes par la compagnie Semianyki, ou encore Five Easy Pieces, un fait divers transposé au théâtre par le dramaturge belge Milo Rau. L’intrigue de La Famille mêle différents genres du registre comique avec des passages pathétiques qui font passer le spectateur du rire aux larmes. Cette structure propre au spectacle de clowns définit donc ce style théâtral à travers son scénario et le jeu des acteurs. Five Easy Pieces est une pièce présentée sous la forme d’un casting où les candidats doivent adapter un fait divers au cinéma, sans pour autant montrer toute l’horreur des crimes de Marc Dutroux. Une réflexion sur la façon de jouer au théâtre ou au cinéma est explicitement formulées entre chaque saynète relatant les conséquences des méfaits de Dutroux : jusqu’où doit-on pousser la manifestation des sentiments pour être crédible aux yeux du spectateur ? Ces deux exemples nous montrent que le théâtre peut s’auto-définir aisément.
In fine, nous avons montré que le théâtre a toujours tenu un rôle de divertissement par son comique, l’attachement que l’on porte aux personnages et aux discussions après sa représentation qu’il peut entraîner. Toutefois, il a un autre rôle que celui de divertir ; il doit aussi remplir des fonctions plus sérieuses, qui enrichissent la culture du spectateur, ou bien qui remet en cause la politique ou la religion. Enfin, si le théâtre assume le divertissement qu’il procure et passe par le détour du comique, de l’évasion et des débats amicaux, c’est avant tout pour ramener le spectateur vers un enseignement moral, social, ou encore pour définir le genre même du théâtre. Ce double rôle n’est pas propre au théâtre ; de nombreux autres genres littéraires en sont témoins, à commencer par les fables, les contes ou encore certains romans et essais. ■